Résister dans un secteur de la maternité en crise

visibility786 Views comment0 comments person Posted By: Lucie Blanc list In: Futures Mamans

Résister dans un secteur de la maternité en crise

Je fais partie des dernières boutiques physiques multimarques spécialisées en vêtements de maternité en France. Et ce que je vois depuis quelques années, c’est un secteur qui se fragilise. Vraiment.

Il n’y a plus de salons professionnels, les boutiques ferment les unes après les autres (encore quatre cette année), et les marques spécialisées réduisent drastiquement leur présence physique. Certaines ferment leurs points de vente, d’autres passent au tout digital.

Et puis, il y a ce choc en ce mois de juillet 2025 : la chute brutale de Séraphine, l’une des marques de maternité les plus connues en Europe. Du jour au lendemain : plus de boutiques, plus de site, plus rien. C’était une marque très visible dans le haut de gamme, portée par des célébrités, en pleine expansion il y a quelques années. Et pourtant, elle s’est effondrée comme un château de cartes : après avoir fermé plusieurs boutiques physiques, elle a soudainement coupé son site, sans prévenir ses clientes ni ses revendeurs. Tout s’est arrêté net.

Et c’est loin d’être la seule. En France, on a aussi vu disparaître des marques de maternité historiques, en totalité ou leurs boutiques physiques. Des marques qui avaient de vraies valeurs, de vraies clientes, et qui n’ont pas résisté à la pression du digital et de la fast fashion.

Un marché en recul… mais pas une fatalité

Oui, la demande baisse. La natalité recule, les femmes achètent moins de vêtements de maternité, souvent parce qu’elles considèrent cette période comme “trop courte pour investir”. On se tourne vers des options pas chères, souvent jetables, ou vers la seconde main. C’est un constat.

Ce qui rend le modèle encore plus fragile, c’est que les marges dans la maternité sont bien plus faibles que dans le reste du prêt-à-porter. Pourquoi ? Parce que les volumes sont moindres, que les patrons sont plus complexes, que les matières doivent respecter la peau fragile des mamans et des futures mamans, et que les modèles doivent évoluer avec un corps en mouvement. C’est plus technique, plus coûteux — mais aussi plus essentiel.

Mais je le dis haut et fort : un vêtement de maternité bien conçu, c’est tout sauf accessoire. Il apporte du confort, de la praticité, du style, dans une période où le corps est en plein chamboulement. Et les pièces que je vends ne sont pas jetables : elles se portent pendant, après, parfois même sans être enceinte. Ce sont des vêtements durables, pensés pour durer.

Un secteur fragile… mais essentiel

Dans ma boutique, je propose des vêtements adaptés à tous les moments de la maternité : travail, détente, sport, allaitement, cérémonie… Pour toutes les morphologies, tous les styles, tous les budgets. Et je dois maintenir un stock énorme, car nous ne sommes plus que quelques-unes à pouvoir encore le faire. J’ai près de 100 robes différentes en boutique. Vous imaginez l’investissement ?

Le problème, c’est que tout ça devient économiquement invivable. Les marges sont faibles, la clientèle est limitée (forcément : on n’est enceinte que quelques mois) et recherche constamment des prix minis et les grosses marques font de moins en moins d'effort, ou ne le peuvent économiquement plus, pour soutenir les points de vente comme le mien. 

Heureusement, tous mes fournisseurs ne lâchent pas le BtoB, loin de là. Je travaille avec des partenaires solides, engagés, avec qui j’entretiens des relations de confiance. Mais il faut le dire : beaucoup de marques délaissent les boutiques indépendantes, préférant se concentrer sur leur vente directe en ligne.

La fast fashion tue doucement ce métier

Ce qui nous fragilise encore plus, c’est ce modèle de consommation ultra-rapide, ultra-bon marché. On vous pousse à commander trois robes pas chères depuis votre canapé, qui seront portées deux fois et jetées. On vous fait croire que ça suffit pour vivre une grossesse.

Sauf que non. Un vêtement bien conçu, ça peut durer plusieurs grossesses, être reporté en allaitement, même au-delà. C’est pensé pour votre confort, pour votre peau, pour vos mouvements. Ce n’est pas accessoire. C’est un accompagnement.

Ce métier, je le fais avec passion — et je m’adapte

Je ne vais pas dire que tout est facile. Mais je ne suis pas en train de fermer, au contraire. Je tiens bon, parce que je n’ai jamais attendu que ça vienne tout seul. Je me suis adaptée. Je me suis réinventée.

Ma boutique, aujourd’hui, c’est aussi :

– Une boutique physique à Antibes, la seule de la Côte d'Azur 
– Un site en ligne
– Un rayon “liste de naissance” qui n'a rien à envier aux "grands"
– Des démonstrations de portage gratuites
– Des conseils en visio pour les plus éloignées
– De la personnalisation d’articles en boutique
– La location de matériel de puériculture
– Du live shopping...

Ce sont des services humains, concrets, accessibles. Parce que oui, je crois encore à l’accompagnement physique et réel. Et je vois tous les jours des clientes me dire “heureusement que vous êtes là”.

Ce que je veux dire aujourd’hui

Ce secteur est en train de s’éteindre. Lentement, discrètement. Et pourtant, il est essentiel. Les femmes enceintes ont besoin de confort, de conseils, de vêtements bien pensés. Elles ont besoin de sentir qu’elles comptent.

Alors si vous êtes concernée, ou si vous connaissez quelqu’un qui l’est : faites le choix du durable. Soutenez les commerces indépendants. Ne laissez pas mourir un métier qui a encore tant à donner.

Et moi, je continuerai à me battre pour qu’il reste vivant.

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